LA DOULEUR
DE L'ENFANT
I - Définition de la douleur :
" Expérience sensorielle &
émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire
réel ou virtuel, ou décrite en termes d'un tel
dommage " - IASP (International Association for the
Study of Pain)
I.1) Les types de douleur :
- douleur aiguë
- douleur chronique (= au bout de 6 mois)
- excès de nociception
- douleur neuropathique (nerf lésé =>
douleur sans base anatomique, pas de cicatrice à
traiter,...) = déséquilibre mécanisme inhibiteur et
mécanisme perception douloureuse.
I.2) La douleur sensation :
- théorique " douleur =
lésion "
- pas de parallélisme entre stimulus et
perception douloureuse
- influence de :
- signification de la douleur
- culture
- expériences antérieures
- état psychique
I.3) La douleur émotion :
- décrite par Aristote
- " douleur = qualité
émotionnelle qui colore tous les événements
sensoriels "
- Freud :
- opposition plaisir/douleur
- douleur résulte " d'une
excitation attaquant la périphérie "
qui submergent les mécanismes de protection du
psyché
I.4) Expériences de la douleur :
- Modulation des expressions de la
douleur :
- facteur culturel
- expériences antérieures
- signification de la situation
- possibilité de contrôle
- stress
- anxiété
- dépression
I.5) Douleur et conscience :
- douleur ne nécessite pas la conscience :
exemple = douleur sous AG; douleur lors du coma
- émotion liée à la douleur ne nécessite
pas toujours une intégration corticale (intégration
mésencéphalique chez le nné)
II - Physiologie de la douleur chez
l'enfant :
II.1) Le nné a-t-il mal ?
- pas de réaction codifiée comme chez
l'adulte
- manifestation douloureuses simples :
- voies de la douleur : sont en place dès
stade foetal
- remise en cause de la notion de
" nné indolore "
II.2.) Nerfs stomatiques :
- 3 groupes de fibres :
- Aalpha et A bêta myélénisées,
gros calibre, conduction rapide
- A delta myélinisées, petit
calibre
- C sans myéline, très fines,
conduction lente
- stimulation faible : A alpha et A
bêta = sensation tactile
- stimulation forte : A delta =
douleur localisée
- persistance : C = douleur diffuse,
intolérable
II.3) Récepteurs de la douleur :
- pas de récepteur propre à la douleur
- 2 types de récepteurs en relation avec A
delta et C
- mécanonocicepteurs : stimulations
mécaniques fortes (A delta)
- nocicepteurs polymodaux :
- stimulations mécaniques,
chimiques ou thermiques fortes (C)
- sensibles à :
- H+
- K+
- bradykinine
- histamine (inflammation,
rôle des prostaglandines)
II.4) Afférences nociceptives médullaires :
- [arrivée des nerfs sur arrière de la
moelle]
- racines dorsales
- corps cellulaires dans les ganglions
spinaux
- disposition ventrale des fibres de petits
calibres
- division en branche ascendante et branche
descendante
- terminaison dans substance grise (corne
postérieure)
II.5) Relais médullaire :
- segmentation de la corne postérieure en 6
couches
- neurones spécifiques dans couche I (+II,
III et IV)
- neurones non spécifiques : dans couche V
+/- VI, rôle dans douleur référée ou douleur
projetée (exemple : douleur épaule quand colique
hépatique)
- médiateurs : substance P et opioïdes
endogènes [P pour Pain !]
II.6) Contrôle segmentaire :
- théorie du " gate
contrôle " :
- activation des fibres cutanées
larges (A bêta) : inhibe transmission des
messages nociceptifs par les fibres A delta et C
- explication des techniques de
contre-stimulation (" se
frotter ")
- contrôle exercé au niveau de la
substance gélatineuse de Rolando (couches II
& III)
II.7) Voies médullaires :
- faisceau spinothalamique :
- issu des couches I, II et V
- région antérolatérale de la
moëlle
- faisceau spino-réticulaires :
- réponses neurovégétatives
(augmentation du pouls, sudation, mydriase,...)
- terminaison bulbaire et
mésencéphalique
- faisceau spino-cervico-thalamique :
- cordon dorsolatéral
- décusse nniveau cervical
II.8) Structures supra-spinales :
- Thalamus :
- plusieurs noyaux disctincts
- = relais avant transmission aux
aires corticales
- noyau ventrobasal et groupe
postérieur : localisation, intensité, surface,
durée
- noyaux intralaminaires :
élaboration des réponses motrices et
émotionnelles
- Formation réticulée :
- située dans bulbe
- réactions comportementales
- réponses réflexes
spino-bulbo-spinales
- répond à l'activité des fibres
A delta et C
- rôle dans la transmission
nociceptive
- Cortex :
- afférences thalamiques
- zones somesthésiques et motrices
- afférences présentes chez nné
mais latences de conduction plus longues
- Contrôles inhibiteurs :
- contrôle inhibiteur au niveau de
tous les relais
- riche en terminaisons
enképhalinergiques et en récepteurs
morphiniques
- contrôle inhibiteur diffus
(CID) :
- neurones nociceptifs non
spécifiques sont inhibés par
stimulation nociceptives de tout ordre
- augmentation des
impulsions somesthésiques (massage)
atténue la reconnaissance du message
nociceptif
II.9) Analgésie intrinsèque :
- Moelle : récepteurs aux
endorphines au niveau du 1° relais bloquent la
libération de substance P
- Tronc cérébrale : récepteurs aux
endorphines stimulent les voies descendantes
sérotoninergiques qui bloquent le message nociceptif au
niveau médullaire
- Contrôle inhibiteur diffus : la
morphine augmente le bruit de fond somesthésique (=>
diminution perception douleur)
II.10) Conclusion physiologie :
- voies de la douleur en place avant la
naissance
- état fonctionnel n'est cependant pas
complet
- maturation rapide des transmissions
nociceptives
- systèmes analgésiques intrinsèques
tardent à être efficaces
III - Evaluation de la douleur chez
l'enfant :
III.1) Généralités :
- défi partiellement relevé à ce jour
- grande discordance anatomo-clinique
(grande douleur faible stimulation, petite douleur grande
stimulation)
- évaluation de l'expression
de la douleur :
- non prouvée chez jeune enfant
- expression polymorphe
- il est nécessaire de pratiquer plusieurs
évaluations (++ si douleur chronique)
III.2) Penser à la douleur :
- Signes qui alertent :
- agitation
- baisse intérêt pour entourage,
prostration
- baisse mobilité
- position inhabituelle (= position
antalgique)
- crainte excessive d'un soin
III.3) Fiabilité ou concordance du test ?
- Fiable : mêmes résultats pour un
même sujet, évalué au même moment par plusieurs
observateurs
- Validité : capacité d'une
évaluation d'éliminer les artéfacts (anxiété,...)
III.4) Auto évaluation :
- évaluation douleur par l'enfant lui-même
- dialogue = élément de débrouillage
- immaturité de l'enfant fausse la réponse
- influence de la question posée :
- est-ce que tu as mal ? (=> peur
piqûre...)
- comment est ta douleur ? (=>
suggestion douleur...)
- où as-tu mal ?
III.4.A) EVA = Echelle Visuelle Analogique :
- méthode la plus utilisée
- localisation entre " pas mal du
tout " et " très très
mal "
- ambiguïté sur le " très très
mal " :
- douleur déjà ressentie ?
- douleur imaginée ?
- échelle verticale chez enfant
(thermomètre)
III.4.B) Echelle numérique :
- propose cotation chiffrée de la douleur
- suppose que l'enfant sache compter
- acquisition des mécanismes de l'addition
III.4.C) Adaptation de l'EVA à l'enfant :
- thermomètre de la douleur (graduation)
- évaluation par jetons :
- jeton = morceau de douleur
- 4 jetons
- non validée avant 4 ans
- cubes : en cours d'évaluation
III.4.D) Echelles simples de vocabulaire :
- 5 à 10 qualificatifs
- intervalles entre qualificatifs inconnus
- validées pour enfants > 8 ans
- évaluation de l'amélioration
III.4.E) Planches de visages :
- dessins de 5 visages stylisés à des
degrés divers de mécontentements
- défaut de compréhension
- enfant > 5 ans
- culture américaine (identification au
personnage)
- nécessite une identification
III.4.F) Utilisation du dessin :
- moyen de communication privilégié chez
enfant
- dessin spontané : rouge & noir =
douleur
- évalue le vécu de la douleur
- mauvaise évaluation de l'intensité
- localisation sur schéma
- niveaux de douleur
- meilleure compliance que les adultes
III.5) Hétéro-évaluation :
- évaluation des manifestations
comportementales de douleur par un observateur
- intéressant avant 5 ans
- valable pour situation bien précise
III.5.A) Mesures physiologiques :
- FC
- FR
- PA
- valables pour douleurs aiguës brèves
- ok pour post-op, SSPI
III.5.B) Pleurs & expressions du visage :
- tentatives d'analyse spectrographiques des
pleurs : non validé
- les cris de douleur durent plus longtemps
- mimique du visage n'est pas non plus
contributive
III.5.C) Echelle DEGR : Douleur Enfant Gustave Roussy
- échelle évaluation douleur chronique
(pas pour post-op)
- jeune enfant (2-4 ans)
- 15 items gradués de 0 à 4
- 3 sous-groupes :
- signes directs de la douleur
- altérations psychomotrices
- composante anxieuse
III.5.D) Echelle de douleur post-op :
- évaluation douleur en SSPI
- initiation des traitements antalgiques
- repose sur observation comportement enfant
- CHEOPS :
- évaluation douleur post-op
d'enfant de 1 à 5 ans
- 6 items à coter, 1 toutes les 30
sec
- échelle fiable
- validation sociale (élimine
facteurs culturels)
III.5.E) Score douleur post-op du nourrisson :
- score d'Amiel-Tison
- nourrissons de 1 à 3 mois
- 10 items côtés de 0 à 2
- sensibilité et validité démontrées
IV - Les médicaments de la douleur :
- peu de recherche sur contrôle douleur
chez l'enfant
- tendance à sous-médication
- élimination plus des médicaments chez le
jeune enfant
IV.1) Antalgiques périphériques :
IV.1.A) Paracétamol :
- comprimés, sirop, suppositoires
- résorption digestive rapide per os (Tmax
= 30 min)
- effet de 1° passage hépatique (grande
élimination...)
- ½ vie élimination : 1 à 3.5 h
(identique à adulte)
- toxicité hépatique à forte dose
- posologie : 13.3 mg/kg toutes
les 4 h (calcul sur 15 mg/kg)
- forme IV : proparacétamol, à
diluer absolument dans son solvant (pour stabilité, pour
diminuer douleur à l'injection) : 30 mg/kg/6h
IV.1.B) Anti-inflammatoire :
- Aspirine :
- 13.2 mg/kg/4h
- inhibition synthèse des
prostaglandines
- résorption rapide par voie
digestive
- principe actif : acide salycilique
- forte liaison aux protéines
plasmatiques
- antiagrégant plaquettaire
irréversible à éviter en post-op
- ½ vie d'élimination : 3-4 h
- AINS :
- inhibiteur réversible de
la cyclooxygénase
- résorption digestive rapide
- antiagrégant plaquettaire réversible
- forte liaison aux protéines
- effets secondaires gastriques et
rénaux
- produits :
- Nifluril : acide
niflumique
- Apranax : naproxène
- Profénid : kétoprofène
- indications :
- douleurs osseuses,
coelioscopiques, inflammatoires, gynéco
- enfant : chir extrêmité
(panaris, ongle incarné)
IV.1.C) Co-analgésique :
- Benzodiazépine :
- n'est pas antalgique
- action anxiolytique, amnésiante
et myorelaxante
- !! association morphinique
(dépression respiratoire)
- Rivotril : douleur neurophatique
- Neuroleptiques :
- effet antalgiques discuté
- potentialisent les morphiniques
- sédatif, hypotenseur
- Antidépresseurs tricycliques
:
- effet thymo-analeptique (améliore
humeur)
- Anafranyl, Laroxyl actifs sur
douleur neuropathique
- Caféine :
- augmente concentration plasmatique
et biodisponibilité de l'aspirine
- potentialisation du paracétamol
- risque de convulsion
IV.2) Antalgiques centraux :
IV.2.A) Les morphiniques :
- longtemps méconnus chez l'enfant
- métabolisme plus lent chez le nourrisson
et jeune enfant < 6 mois
- baisse excrétion rénale (risque
surdosage)
- distribution des graisses différentes
chez jeune enfant (risque de relargage tardif)
- TITRATION +++
- Action des morphiniques
:
- élévation seuil douleur
- baisse sensibilité au CO2
- stimulation du centre de
vomissement
- spasme des sphincters
- bradycardie
- hypotenseur
- Paliers de l'OMS :
- I : analgésiques périphériques
(paracétamol, AINS)
- II : codéine, dextropropoxyphène
+/- paracétamol
- III : morphine et apparentés,
buprénorphine, nalbuphine
IV.2.B) Agoniste-Antagoniste :
- souvent préférés car donneraient moins
de dépression respiratoire
- effet plafond
- puissance analgésique < morphine
- produits :
- nalbuphine :
- IV - SC
- 0.2 mg/kg/4h
- maxi 1.2 mg/kg/j
- antagoniste kappa
- buprénorphine :
- SC - PO
- mal adapté à l'enfant
- non antagonisable
IV.2.C) Règles de prescription :
- morphine : molécule de référence palier
III
- recours à un palier supérieur est dicté
par intensité douloureuse
- prise suivante doit précéder la
réapparition de la douleur
- utiliser voie oral si possible
- préférer injection IV car résorption SC
très variable
- prévenir systématiquement effets
secondaires :
- sécheresse buccale
- constipation
- nausées, vomissement
- nalbuphine à faible dose (0.1
mg/kg) : antagonise les récepteurs des effets
indésirables comme prurit, globe vésical
V - Exemples de douleurs :
V.1) Douleur post-op :
- acte chir = source de douleur d'intensité
variable, selon geste, enfant, localisation, modalité
chir, soins post-op,...
V.1.A) Reconnaître la douleur :
- Douleur aiguë :
- pleurs, agitation
- savoir différencier des pleurs
dus à faim, séparation,...
- Douleurs insidieuses :
- respiration superficielle
- tachycardie
- HTA
- contracture
- absence de sommeil
- Intrication de la composante affective
:
- enfant a peur hors de son milieu
- anxiété des parents
- nécessité de préparer l'enfant
à l'intervention
- avertir du risque de douleur
- intérêt des consultations
V.1.B) Traitement préventif :
- voie veineuse fiable
- prévoir système de prélèvement,
EMLA,...
- autres :
- objets familiers
- faire participer aux soins
- calmer angoisse des parents
- simplifier les soins
- installation
V.1.C) Traitement curatif de la douleur physique :
- améliore la fonction ventilatoire et
baisse réaction cardiovasculaire
- analgésie préparée au cours de
l'anesthésie (analgésie résiduelle)
- analgésiques périphériques :
- souvent suffisants de part leur
rôle sur les prostaglandines
- paracétamol : 60 mg/kg/j
- AINS
- morphiniques :
- morphine IV : 0.1 mg/kg/4h A
TITRER
- cf PCA avec titration
- agoniste-antagoniste
- relaie per os mal adapté chez
l'enfant
- effets secondaires :
- nausées, vomissements,
prurit
- globe vésical
- dépression respiratoire
- ALR :
- anesthésiques locaux :
- faibles concentrations :
pas de bloc moteur
- ALR péridurale ou blocs
tronculaires
- surveillance adaptée
formation des personnels soignants
- morphiniques et péridurales
:
- problème dépression
respiratoires USI
V.2) Douleur des brûlés :
- plusieurs facteurs intriqués :
- événement dramatique
- responsabilité de l'entourage
- séparation du milieu familial
- " masques de
l'USI "
- pas de consensus pour politiques
d'analgésie
- Brûlures superficielles :
- 1° et 2° degré douloureux à la
phase initiale
- traitement par pansements
réguliers
- antalgique 8-10 jours
- guérison rapide sans séquelle
- Brûlures profondes :
- phase initiale peu douloureuse
(surtout si brûlure profonde)
- réapparition sensibilité quand
chute escarre
- douleur désafférentation
hyperalgésie, consommation morphine +++
- prélèvement greffe : douleur
intense
- cicatrice : hypersensibilité
chaud/froid, prurit
- Traitement douleur des soins :
- avant pansement :
- brûlure modérée :
antalgique périphérique 1 h avant pour
bain sous AG
- brûlure étendue (>
20%) :
- Nubain : 0.2 mg/kg
IV (0.4 mg/kg IR)
- pansement sous AG
- intérêt
benzodiazépine
- pendant pansement :
- établir relation avec
enfant
- expliquer le geste
- participation active de
l'enfant
- ablation pansement dans un
bain tiède
- débridement et greffe
sous AG
V.3) N20 :
- agirait par récepteurs morphiniques
- de plus en plus utilisé pour gestes
douloureux :
- pansement
- pose voie veineuse
- ponction lombaire
- biopsie cutanée
- ponction sternale
- marche mieux que chez adulte
- ENTONOX : masque, 3 minutes avant
geste douloureux.